Parce que l’on voit de tout au sujet de l’apprentissage chez les chevaux, et que certaines méthodes de travail perdent de vue les définitions scientifiques pour s’approprier certains termes, j’ai envie de vous parler dans cet article des renforcements positifs et négatifs : parce qu’un bref retour au base s’impose !
Parce que le renforcement négatif ce n’est pas la torture, et le renforcement positif ce n’est pas le monde merveilleux des paillettes licornesques !
“L’absence de brutalité ne garantit pas la création de lien d’amitié” Maria Franchini
Définitions
J’invite les plus passionnés à visiter cette page, pour avoir un aperçu rapide mais plus complet des principes d’apprentissage du cheval : Principes d’apprentissages-IFCE

Pour revenir au sujet qui nous intéresse ici :
- Apprentissage associatif : le cheval apprend à donner une réponse suite à un stimuli.
- Conditionnement opérant : apprentissage associatif basé sur les renforcements
- Renforcement : événement qui vise à augmenter la répétitions d’un comportement
- Renforcement positif : le cheval reçoit quelque chose dès qu’il a donné la réponse attendu. C’est une addition
Donner une carotte quand le cheval a fait un pas vers nous - Renforcement négatif : la pression exercée est supprimé dès que le cheval donne la bonne réponse
Cesser de faire sentir la pression de la longe quand le cheval a fait un pas vers nous
Ces définitions montrent bien que le terme positif ne renvoie pas ici à quelque chose d’agréable. Tout comme le terme négatif n’est pas à mettre en lien avec quelque chose de désagréable !
J’en veux pour preuve une autre utilisation des termes positif et négatif dans les principes d’apprentissages :
- Punition : événement qui vise à diminuer la répétition d’un comportement
- Punition positive : on ajoute un stimuli aversif pour que le cheval diminue la répétition de son comportement
Mettre une claque après une morsure - Punition négative : on retire un stimuli agréable pour que le cheval cesse son comportement
Arrêter les grattouilles après une morsure
Il ne me semble pas que la punition positive soit plus agréable que la punition négative …
Qu’est-ce que ça change ?
Vous ne voyez probablement pas l’intérêt d’un tel point théorique. Mais moi je le trouve important ! Parce qu’en détournant les définitions, on se coupe d’une part non négligeable de l’apprentissage.
De nombreux professionnels assurent qu’il faut privilégier au maximum le renforcement positif et délaissé le plus possible le renforcement négatif …
C’est complètement erroné !
Imaginez apprendre à votre cheval à répondre à la jambe pour avancer :
– Vous serrez les jambes => C’est une aide
– Votre cheval avance => Réaction comportementale
– Vous desserrez les jambes => Renforcement négatif
– Vous caressez votre cheval => Renforcement positif
Cet enchaînement à lieu en quelques secondes, et vous le faîtes probablement inconsciemment aujourd’hui.
Le même apprentissage sans utiliser de renforcement négatif signifie que vous ne relâchez pas vos jambes !
Equestrement, ça n’aurait aucun sens !
(Même si on connait beaucoup de cavaliers qui passent leur temps avec les éperons vissés dans le ventre de leur cheval, je ne crois pas qu’ils soient parmi mes lecteurs !)
Donc même en utilisant au maximum du renforcement positif, vous utilisez quasiment systématiquement aussi du renforcement négatif (du moins je l’espère pour votre cheval) !
Rien de bien grave donc ?!
Certes, faire du renforcement négatif sans le savoir n’est pas un énorme problème.
Mais ce qui me dérange le plus dans le discrédit du renforcement négatif, c’est surtout la glorification du renforcement positif !
Parce que si la récompense est le meilleur outil pour ancrer un apprentissage chez les chevaux, son appétence peut néanmoins caché de vraies problématiques !
Par exemple, j’ai vu des chevaux apprendre à ne pas mordre au sanglage par distribution de friandise au moment opportun !
Sauf que ces chevaux qui acceptent de ne pas exprimer un inconfort par gourmandise peuvent souffrir ensuite de maux de dos pendant de longues heures pour ce petit plaisir instantané !
Et j’ai vu d’autres chevaux réaliser des exercices sans faire attention à leur posture, et les répéter à leur détriment malgré le plaisir de la récompense …

De plus, attention à l’utilisation systématique de la friandise qui, à mon avis, ne doit pas être l’unique source de motivation de votre cheval pour établir une relation sereine et confortable avec lui (comme je l’expliquai ici)
Pour conclure cet article, qui vous invite encore et toujours à d’abord observer vos chevaux, je citerai cette phrase extraite de l’article de l’IFCE :
“Aucun type d’apprentissage n’est meilleur qu’un autre, ils sont au contraire complémentaires : tout dépend du contexte, de ce que l’on veut apprendre au cheval et du tempérament de ce dernier.“
Sarah
Bonjour,
Il manque quand même quelques précisions. La caresse n’est pas un renforçateur positif primaire. C’est à dire que la caresse seule ne motive pas le cheval, c’est un renforçateur secondaire quand il a été associé à un autre renforçateur (cession de l’inconfort ou ajout d’un autre renforçateur positif primaire). Faire du renforcement négatif avec nos aides et ajouter une caresse ce n’est pas faire du renforcement positif. C’est faire du renforcement négatif mixé à un renforcement positif secondaire et la différence est énorme. Si tu enlèves la caresse le cheval répondra quand même aux jambes : tout l’apprentissage est basé sur le renforcement négatif dans cet exemple.
Alors qu’on peut apprendre à un cheval à se porter en avant sans utiliser de renforcement négatif et sans utiliser les jambes grâce au renforcement positif. Ce que j’ai fais en débourrant ma jument au renforcement positif majoritairement.
Il a quand même été prouvé dans de nombreuses études que le renforcement n’est pas bon pour le bien-être des chevaux. D’où l’intérêt de l’utiliser le moins possible et de ne pas l’utiliser sans s’en rendre compte.
Je suis d’accord sur le fait de ne pas apprendre à un cheval à taire une douleur, mais j’ai connu bien plus de chevaux shut down par le renforcement négatif que par le renforcement positif. Ce n’est pas une dérive réservée au R+.
Bonjour Mathilde, et merci pour ton commentaire.
Il y a plusieurs points sur lesquels je ne suis pas d’accord avec toi.
D’abord, on ne fait pas de renforcement négatif en utilisant nos aides. Le renforcement négatif est l’instant où au contraire on cesse de les faire sentir.
Ensuite, je n’ai pas écrit que desserrez les jambes puis faire une caresse était du renforcement positif. J’ai écrit que desserrez les jambes était du renforcement négatif (on enlève un stimuli) et que faire une caresse était du renforcement positif (on ajoute un stimuli). Mais peut-être n’est-ce pas suffisamment clair dans l’article.
On peut bien sûr apprendre à son cheval à se porter en avant sans l’usage des jambes. Mais d’une part, l’usage des jambes n’est pas nécessairement néfaste ! Et il ne devrait jamais l’être ! Il y a une énorme différence entre le cavalier qui sait se faire comprendre par le souffle de sa botte, et le cavalier qui n’est pas capable de monter sans éperons …
D’autre part, mes jambes ne me servent pas uniquement à faire avancer mon cheval mais à beaucoup d’autres rôles en fonction de son usage. Dans ma pratique de l’équitation actuelle, je ne peux donc pas me passer de l’usage de mes jambes.
Mais on dérive ici largement du sujet de l’article, les jambes étant une aide et donc un stimuli, et n’ayant pas de lien avec le renforcement négatif si je ne les desserre pas au moment opportun …
Je n’est pas connaissance des études qui montrent que le renforcement n’est pas bon pour le bien-être des chevaux, mais si tu as un lien je veux bien les lire.
En cherchant rapidement à en trouver par moi même, j’ai réussi seulement à trouver un article (qui ne cite pas sa source) affirmant que le renforcement négatif est plus rapidement installé et plus résistant à l’extinction que le renforcement positif ! Tout le contraire de ce que j’avais lu dans une autre étude ! Dommage que leur source ne soit pas citée, parce qu’il aurait été intéressant de comparer les différents protocole pour obtenir ces résultats.
Je n’affirmerai jamais que les cavaliers utilisant le renforcement négatif ne font jamais de mal aux chevaux, tout comme je n’affirmerai jamais que tout les cavaliers utilisant le renforcement positif font du mal à leurs chevaux !
Mais je pense que les problèmes ne sont pas directement imputable au renforcement négatif (la problématique est ailleurs pour moi, dans l’utilisation des aides par exemple).
Tandis que des cavaliers qui pensent bien faire ne se rendent pas comptent qu’ils font taire les douleurs de leurs chevaux avec la friandise.
Cependant, l’objectif de mon article n’est pas de prétendre que le renforcement positif est mauvais (parce que ce n’est pas du tout ce que je pense, et s’il est besoin de le préciser, j’utilise évidement le R+), mais simplement d’inviter les cavaliers à observer leurs chevaux pour adapter leur technique au plus juste.
Les aides classiques ont toutes été pensées pour être du R- quand même.
Connais-tu les définitions des renforçateurs primaires et secondaires ?
Les renforçateurs primaires répondent à des besoins naturels, les renforçateurs secondaires sont des stimuli qui acquièrent une valeur de renforcement par conditionnement lorsqu’ils ont été associés à des renforçateurs primaires.
La caresse est un renforçateur secondaire car elle a souvent assez peu de valeur pour les chevaux. Je trouve donc étonnant de faire le choix d’utiliser la caresse dans ton exemple.
Il ne suffis pas d’ajouter un stimulus pour faire du R+, il faut que celui-ci soit en.lui même une source de motivation suffisante pour le cheval.
De plus utiliser le R- avec les aide puis faire une caresse ce n’est pas faire du R- et ensuite du R+. Ajouter une caresse ou une friandise après du R- ça s’appelle du renforcement combiné (plus efficace que le R- seul) mais le mouvement du cheval reste motivé par la suppression de l’inconfort c’est donc le même mécanisme au niveau neurologique et émotionnel pour le cheval : éviter un inconfort.
Pour vraiment faire du R+ il ne faut pas faire intervenir de R- du tout et pas de contrainte physique. Le mouvement est uniquement motivé par la recherche du stimulus agréable ce qui est complètement different.
J’espère que je suis assez claire dans mes propos. Je vais chercher mes sources et te les envoyer !
Primaire ou secondaire, cela n’en fait pas moins un renforçateur.
Combiné ou pas, cela n’en fait pas moins du renforcement positif.
Mais je pense que tu n’as pas bien compris l’intention de mon article
Quelques études d’où je tire mes arguments “en faveur” du R+
Sankey et al, 2010a
Idem 2010b
Hendriksen et al 2011
Heleski et al 2009
Warren-smith et McGreevy 2007
Le fait qu’il soit secondaire fait qu’il ne peut-être utilisé seul pour apprendre un nouveau comportement. Donc ça a son importance.
Le renforcement combiné fait que ce n’est pas du renforcement positif. En renforcement positif il n’y a pas de contrainte physique. En renforcement combiné le comportement est motivé d’abord par l’inconfort, c’est donc complètement different du R+. Mais peut-être faut-il avoir travaillé en réel R+ pour s’en rendre compte. Le comportement du cheval est vraiment différent.
Dans les études qui comparent R- et R+ les chevaux du groupe R+ apprennent systématiquement avec succès, rapidité et durabilité, loin devant le groupe R-.
Dans les études qui comparent R- et R combinés les chevaux des 2 groupes ne présentent pas de différence dans le succès et la rapidité. La seule différence est que les groupe R combinés opposent moins de résistance et les manipulateurs ont moins besoin de se fatiguer.
C’est grossièrement résumé mais ça suffit à montrer que ce n’est pas la même chose le R combinés et le R+
Peut-être que je n’ai pas compris l’intention de l’article mais je ne critique pas l’intention . Je trouve juste que les informations dedans sont incomplètes et floues, comme souvent lorsque que l’on parle de R+ et c’est pourquoi il est si peu populaire dans le monde du cheval. Donc je trouve ça dommage.