L’équitation moderne est une lutte

“Mon cheval est trop émotif. Il a peur de tout !”
Combien de fois avons-nous entendu cette phrase ?
Dans de nombreux cas, le problème vient du fait que le cavalier à peur et transmet son stress à sa monture.
Mais dans l’histoire que je vais vous raconter, ce n’est pas le cas ! La cavalière n’a peur de rien !
Seulement, elle monte comme on lui a appris : en hyper contrôle de son poney.
Mais personne ne sort gagnant de cette lutte qui ne dit pas son nom …

C’est l’histoire d’un couple …

Cette histoire se passe pendant les Portes Ouvertes : une jeune cavalière et son joli poney de 6 ans ont accepté de se prêter au jeu de la séance en public.
Je ne les connais ni l’un ni l’autre. On se rencontre pour la première fois.
Comme pour toutes mes séances, je lui propose de faire sa détente en autonomie et on en discute après.

Quelques minutes avant, avait lieu la conférence “mon cheval est-il heureux ?” où j’abordais les différents signaux de mal-être. Cette échauffement nous a permis d’en repérer quelques-uns… notamment pendant les cessions à la jambe, où Grisbi donne ce qu’il peut en se tordant dans tout les sens.

Débrief de la cavalière : “ça va bien, mais il a peur pour rien. C’est qu’une pierre …”
L’émotivité de Grisbi est un frein à leur progression (notamment pour être sans faute en concours) et c’est sur ce sujet qu’elle aimerait travailler.

D’abord vérifier les douleurs

Comme avec chaque nouveau couple cavalier/humain, on fait un point sur le matériel.
Un amortisseur mouton qui coince le dos, une selle un peu trop en avant, une croupière trop grande, et des protections qui fragilisent.
C’est l’heure pour Grisbi de se déshabiller !
Je note quand même que la muserolle n’est pas trop serrée, donc je la laisse tranquille.

Lâcher les rênes et laisser vivre

C’est l’étape crucial pour que la magie opère : prendre les rênes à la couture !

J’ai eu la surprise de me rendre compte que ce geste est si rare que de nombreux cavaliers ne savent pas ce que veut dire “prendre ses rênes à la couture” ! (Ça veut dire au niveau de la boucle, les plus longues possible)

Pour cette jeune cavalière, aucune difficulté à lâcher ses rênes (ce n’est pas le cas de tout le monde, et il faut dans ce cas amorcer un travail de décontraction du cavalier …)
Quelques petits exos de mise en selle pour faire descendre la jambe, et on peut se lancer dans les cercles sans les mains.
Grisbi se décontracte, cherche à descendre le bout du nez, et déroule le travail avec une facilité déconcertante.
Les transitions montantes sont légères et dans l’impulsion. Les transitions descendantes se font sur simples actions du bassin.

Que demander de plus ? Tout est parfait, léger, fluide !

Il nous manque juste les cessions à la jambe.
Je donne 2-3 indications à la cavaliere avant de se lancer dans l’exercice, et c’est parti, toujours rênes longues.

Et voici notre cher Grisbi, qui sort de jolies cessions, sans aucun signe de mal être, sans être tortillé et tordus dans tout les sens !

Et l’émotivité dans tout ça ?

Pendant toute cette séance rênes longues, Grisbi n’a eu peur de rien !
Il y a du public, dans un lieu qu’il ne connait pas, avec une enseignante qu’il ne connait pas, et pourtant il n’a pas bougé une oreille.

Il faudrait avoir le point de vue des spectateurs mais de mon propre point de vue, j’avais même l’impression de ne pas voir le même poney.
En fin de séance, j’avais l’impression d’avoir un bon cheval d’école et plus le cheval de 6 ans “jeune dans le travail”.

Ce que nous a montré cette séance, c’est que quand on permet à notre cheval de disposer librement de son encolure et quand on fonctionne avec lui plutôt que contre lui, tout roule !
Quand on n’est plus en lutte contre son cheval, alors on peut commencer à vraiment aborder la technicité de l’équitation tant pour le cheval que le cavalier.

L’equitation moderne est une lutte

Mais pour arrêter de lutter encore faut il s’apercevoir que nous sommes en plein combat.
La violence de l’équitation moderne est accepté par tous et enseignée partout.
Tout les cavaliers aiment passionnément leurs chevaux, mais la pratique du sport équestre est une lutte qu’ils perdent quotidiennement.

Des rênes toujours trop courtes, un contrôle constant de l’encolure et de la tête, du matériel toujours plus contraignant (mors durs, muserolle serrée, noseband, enrênements) et des exercices qui n’ont pas de sens !
On apprend au cavalier dès le plus jeune âge, que l’équitation c’est la soumission du cheval par la douleur.
Bien sûr, on n’utilise jamais ces mots, parce que c’est trop difficile de regarder cette réalité en face. Mais les signaux de mal-être ne mentent pas …
Le plus gros du travail sera d’accepter de voir cette violence, et de regarder en face notre part de responsabilité dans l’échec de notre relation avec les chevaux. Eux n’attendent que ça …

Et comme nous l’a montré Grisbi lors de cette séance, il suffit bien souvent de seulement une seconde pour que la lutte cesse : il suffit que nous rendions nos armes.
Il suffit que nous lâchions nos rênes.
Rares sont les chevaux qui continuent de lutter quand l’humain cesse d’être un dominant.

Alors, partants pour tenter l’expérience d’une autre relation avec nos chevaux ?

Une réflexion au sujet de « L’équitation moderne est une lutte »

  1. C’est vraiment réel, trop souvent nous voulons dominer, mais on n’y gagne pas face à un animal qui a une émotivité insoupçonnée. Merci!

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